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novembre 2017.

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A propos de la complexité urbaine

La mise en œuvre d'écoquartiers est extrêmement complexe étant qu'elle implique d'intégrer un certain nombre de thématiques et critères fortement interdépendants. L'évolution d'un quartier ou d'un projet de quartier vers la durabilité implique au préalable de comprendre les mécanismes sous-jacents au système urbain, en particulier à travers les relations causales entre les phénomènes, d'identifier les dysfonctionnements, en localiser les causes ainsi que les leviers d'action pour améliorer la situation observée.

 

Un tel cadre systémique de la planification urbaine implique de dépasser les approches sectorielles habituelles consistant à optimiser un nombre limité de critères. Une telle optimisation peut avoir des conséquences négatives sur d'autres critères non pris en compte. Un exemple simple au niveau technique : des bâtiments très bien isolés consomment certes peu d'énergie lors de leur utilisation, mais l'épaisseur additionnel des murs et l'utilisation de certains matériaux a pu nécessiter un surplus sensible en énergie grise, d'où l'importance de l'analyse du cycle de vie complet des processus. De même, un quartier très performant en terme environnemental, qui consomme peu de ressources, ne garantit pas nécessairement l'atteinte d'autres objectifs de nature qualitative également centraux pour la durabilité : mixité, cohésion sociale, densité qualifiée, etc.

 

Outil Ulysse : pour appréhender et gérer la complexité urbaine

A quoi sert Ulysse ?

L'outil Ulysse consiste à aider un individu à formaliser son modèle mental de la complexité d'un système donné à travers la modélisation causale (relations causales entre les composantes du système). Le répondant exprime ainsi comment il se représente les mécanismes complexes de la planification urbaine par exemple.

 

Concrètement cela consiste à identifier les relations causales, à analyser et comparer les modèles résultants de différentes personnes. Il constitue en quelque sorte un outil d'apprentissage sur la complexité en permettant d'exprimer des représentations et de le faire évoluer à travers les échanges entre les acteurs d'un groupe.

 

A qui s'adresse Ulysse et sur quoi porte l'évaluation ?

 

L'évaluation avec Ulysse s'adresse aux acteurs impliqués dans le montage de (éco)-quartiers urbains et qui souhaitent partager leur vision de la complexité qu'ils doivent gérer quotidiennement.

 

La vision de la complexité s'exprime en lien avec un écoquartier répertorié dans l'observatoire Eco-Obs. Mais tout acteur de la planification urbaine peut également partager sa vision indépendamment d'un contexte particulier.

 

Fonctionnement d'Ulysse via Internet

L'outil Ulysse se matérialise par un formulaire Internet qui assiste le répondant dans l'expression de sa vision de la complexité ; ceci sous la forme d'un modèle de relations causales entre les critères qui servent à évaluer les écoquartiers via l'observatoire.

 

Le fonctionnement de l'outil Ulysse est décrit en détails dans un article scientifique disponible sur demande, de même que dans le cahier Eco-Obs n°4 disponible sur le site Internet.

 

La démarche est structurée en deux phases principales :

  1. Sélection des critères pertinents et incontournables pour la planification d'un écoquartier.
  2. Modélisation causale comme représentation de la complexité urbaine.

Dans ce qui suit, nous allons présenter les étapes de la formulation d'un modèle causal.

Etape 1 : Choix du quartier considéré

Des écoquartiers ont été déclarés sur le site Internet d'Eco-Obs, certains-mêmes évalués via l'outil Quartier-Durable by Sméo.

 

Au préalable de la sélection des critères pertinents et de la modélisation causale, l'utilisateur doit sélectionner l'un des écoquartiers sur lequel il est impliqué et par rapport auquel il souhaite exprimer sa vision de la complexité. Il est également possible de répondre au formulaire qui suit en considérant la problématique dans sa généralité, indépendamment d'un écoquartier ou contexte spécifique.

Etape 2 : Sélection des critères pertinents

Objectif : Identifier les critères incontournables pour la planification d'un quartier. Ce choix n'occulte pas pour autant les autres critères non sélectionnés, mais permet de donner une indication sur les priorités du point de vue de l'utilisateur en lien avec un écoquartier donné.

 

La grille de critères originale est structurée en trois niveaux :

 

  • Thèmes (15) ;

  • Critères (38) ;
  • Sous-critères (117) : juste à titre indicatif.

A cette étape, le formulaire affiche la structure complète des critères : les thèmes dans la colonne de gauche, les critères dans la colonne de droite et les sous-critères éventuels, sous forme d'infobulle, lors du simple passage de la souris sur l'intitulé d'un critère souligné ; ces sous-critères permettent de clarifier le sens et le contenu sous-jacent aux critères.

Figure 1 : Formulaire de sélection des critères

 

Pour les quartiers qui ont été évalués via l'outil Quartier durable by Sméo (avec des évaluations qualitatives vert – jaune – rouge), ces évaluations sont rappelées à titre indicatif dans la liste à côté de chaque critère.

 

Démarche : L'utilisateur est invité à sélectionner environ 10 critères qui lui paraissent les plus pertinents à prendre en compte dans la planification et la gestion d'un écoquartier. Il est conseillé de parcourir dans un premier temps l'ensemble de la liste pour en prendre connaissance et ensuite de faire la sélection.

 

Etape 3 : Choix et qualifications des relations causales

Objectif : Refléter sa perception de la complexité urbaine à travers l’identification des relations causales entre la dizaine de critères sélectionnés lors de l’étape précédente.

 

Les résultats attendus de cette démarche sont :

 

  • Construire une représentation collective de la complexité urbaine en lien avec un quartier à travers les différents utilisateurs ;

  • Prendre conscience des axes stratégiques (chaînes causales) pour atteindre les objectifs souhaités et de l’incompatibilité entre certaines mesures (effets contradictoires) ;
  • Faire émerger le poids relatif des critères par rapport à leurs influences dans le système (autre manière de pondérer les critères que par leur sélection).

 

Les relations sont saisies via une matrice critères X critères. Seuls les critères ayant été sélectionnés dans la première phase sont considérés. Les couleurs associées à chaque critère rappellent les résultats de l’évaluation Quartier-Durable by Sméo faite au préalable.

Figure 2 : Formulaire de saisie des relations par paire de critères

Les relations causales reflètent les conséquences possibles résultant d’actions données. La question centrale derrière chaque relation causale est la suivante :

 

si un critère s’améliore lors de la réalisation du quartier (càd qu’il passe par exemple d’un niveau jaune à un niveau vert) ou qu’il se détériore (vert -> jaune) qu’elles seront les conséquences sur les autres critères choisis : vont-ils s’améliorer ou se détériorer ?

 

En effet, lorsqu’on se situe aujourd’hui au stade de planification, beaucoup de choses peuvent changer d’ici la réalisation, et pas forcément dans le sens souhaiter. D’où l’intérêt de prendre conscience aujourd’hui de ces interrelations possibles et donc les conséquences possibles à certains changements.

 

Démarche : La démarche consiste à identifier les relations causales par paire de critères.

 

Critères sources de relations : les critères de la première colonne reflètent les actions qui sont sources de relations avec les autres critères.

=> Spécifier pour chaque critère source si une action est envisageable, si oui dans quel sens : amélioration (+) ou détérioration (-). Le cas de la détérioration est surtout à envisager pour les critères dont le niveau de départ est bon (« vert ») et dont on apprécie les conséquences et risques si ce bon niveau n’est pas maintenu.

 

Critères cibles de relations : le remplissage des cellules de la matrice permet de refléter les conséquences des actions sur les autres critères.

=> Si une action menée sur un critère source (1ère colonne) entraîne une conséquence sur d’autres critères, spécifier dans la cellule alignée sous le critère concerné si cette conséquence constitue une amélioration (+) ou une détérioration du critère cible. S’il n’y pas de conséquence sur un critère, laisser la cellule vide.

 

Pour chaque critère, une fois le sens de l’évolution choisie (amélioration ou détérioration), l’interface met à jour la situation courante du critère (par exemple dans le cas d’une amélioration, la situation passe de jaune à vert).

 

A faire attention :

 

  • Refléter avant tout sa perception en lien avec son expérience, on n’est pas forcément dans le juste et faux ;
  • Les relations peuvent traduire aussi bien des phénomènes physiques tangibles (plus de trafic génère plus de bruit) ou parfois moins tangibles et traduisant des risques possibles (par exemple une plus forte densité pour détériorer les contacts sociaux). Dans ce cas, l’incertitude liée aux relations est beaucoup plus élevée ;
  • Pour chaque relation se poser la question : qui est la cause première : le critère source (action) ou le critère cible. Les deux sont possibles dans une boucle de rétroaction.

 

Etape 4 : Résultats de la modélisation causale et analyse

Objectif : Afficher le résultat de l’identification des relations causales et fournir les éléments pour analyser le modèle causal résultant.

 

Une fois que l’utilisateur a saisi les relations causales par paire de critères, le modèle causal dans le format suivant lui est retourné :

Figure 3 : Matrice des relations causales et résultats des analyses statistiques.

Les indices dans les cellules correspondent aux ordres des relations et les couleurs à la polarité des relations.

 

L’analyse d’un tel modèle permet d’identifier les contradictions entre les objectifs, les boucles de rétroaction (qui expriment le mieux la complexité), les axes stratégiques (leviers) et sensibles, la structure causale des modèles (pour identifier les cheminements stratégiques).

 

Les résultats de la modélisation causale proposée par les individus peuvent ensuite être agrégés (par écoquartier par exemple), ce qui permet de faire émerger une vision collective de la complexité, d’identifier les éléments convergents et divergents (sources de débats et discussions) entre les acteurs à travers leurs perceptions causales.

 

Le chapitre suivant décrit dans le détail les éléments d’analyse des modèles causaux, en se référant à l’exemple présenté par la figure 3.

Eléments d'analyse des modèles causaux

Les paires de coévolutions entre variables (critères) sont intégrées dans un modèle causal. Des indices statistiques sont ensuite calculés afin d’aider à interpréter le modèle. L’outil code dans sa base de données les modèles causaux en tant que matrices qui sont remplies par les indices issues de l’analyse. L’analyse concerne le contenu des modèles (polarité des relations, dynamiques contradictoires, poids des variables) et leur structure (ordre hiérarchique des relations, des variables et boucles de rétroactions). La Figure 3 montre la représentation matricielle du modèle causal proposé par une personne et les résultats des différentes analyses détaillées ci-dessous.

 

Polarité des relations causales

 

Le programme détermine la polarité des relations entre les variables en considérant la direction de leur coévolution et les tendances souhaitées des variables. La polarité est soit positive lorsque l’augmentation du niveau d’une variable conduit à l’augmentation du niveau d’une autre (par exemple dans la matrice de la figure 3 Offres en activités [Offre_activ] -> Finances [Finances]), soit négative si une augmentation conduit à une diminution (TIM -> Espace loisir [Esp_loisir]).

 

Dynamiques contradictoires

 

L’outil peut détecter des aspirations contradictoires entre des objectifs associés aux variables. Par exemple, la personne interrogée peut souhaiter maximiser deux variables, mais en même temps elle pense que l’augmentation de la quantité d’une variable peut décroître celle d’une autre variable. Ainsi la maximisation des deux variables et la polarité négative de leur interrelation est incompatible. Cela pourrait être le cas pour la relation entre Offres en activités [Offre_activ] et Contacts sociaux [Contacts_soc]. En effet, il pourrait y avoir un risque, sous certaines conditions (exprimées par des variables tierces qu’il faudrait expliciter), qu’une part importante des bâtiments alloués aux activités commerciales défavorise les contacts sociaux du quartier (climat social harmonieux). En effet, si la majorité des employés n’habitent pas le quartier, ils participeront relativement peu à la vie collective du quartier, ce qui entraînera une ségrégation entre habitat et activités.

 

Analyse de la structure causale et émergence des boucles de rétroaction

 

L’analyse de la structure causale consiste à décrire le positionnement hiérarchique des variables et des relations (Figure 4). Une telle analyse, tirée de la théorique des graphes, est utile pour identifier les stratégies d’action qui seront les plus efficaces pour atteindre les objectifs.

 

  • Ordre des variables : cela consiste à donner le positionnement hiérarchique des variables dans le système causal en spécifiant si une variable est une ‘racine’ (pas de prédécesseurs), un ‘intermédiaire’ (reçoit une variable et en donne une), un ‘nœud’ (position centrale : reçoit et/ou donne au moins deux relations), ou une ‘extrémité finale’ (pas de successeurs) ;
  • Ordre des relations : cette fonction construit une hiérarchie des relations dans le système causal. Une relation d’un ordre peu élevé (1) influence directement une autre variable (ce qui peut être préféré par le décideur), tandis qu’une relation d’un ordre élevé résulte d’une chaine causale avec des influences moins directes. En explicitant ainsi la structure de la chaîne causale, l’analyse permet de suggérer les meilleurs cheminements et stratégies pour atteindre les objectifs.

 

La Figure 5 présente le cas particulier des boucles de rétroaction entre deux variables (a) et à travers un circuit (b, c). Les variables qui appartiennent à une boucle constituent un circuit. Elles sont toujours d’un même ordre (‘nœud’), puisque de telles variables partagent les mêmes prédécesseurs et successeurs et il n’est donc pas possible d’établir une précédence causale entre elles. Pour la même raison, il n’est pas possible d’établir un ordre de relation à l’intérieur d’un noyau (pas de rapport hiérarchique entre les variables d’un noyau). Sur la base de ces règles, Ulysse peut détecter automatiquement les boucles de rétroaction. Enfin, l’ordre de relation entre un élément à l’intérieur du noyau et un autre à l’extérieur est égal à un 1 si le noyau est la racine du système (Figure a) et b)), ou bien i+1, si un élément du noyau a un prédécesseur avec une relation d’un ordre i (Figure c)).

Figure 4 : Règles pour déterminer l’ordre des variables et des relations.

Figure 5 : Cas particulier des boucles de rétroaction (L : Loops).
 

Importance des critères à travers le nombre de relations

L’analyse structurale a permis de définir le positionnement de chaque variable dans le système. L’importance stratégique de ces positions est à présent analysée en considérant le nombre de relations qu’une variable reçoit ou génère. Un nombre élevé de relations révèle l’importance d’une variable de deux façons :

  • Leviers d’action : un nombre élevé de relations partant d’une variable donnée (somme des colonnes de la matrice) confirme son importance comme levier d’action ou politique (par exemple Mobilité individuelle [Mob_indiv] et Offres en activités [Offre_activ] à la Figure 3). En d’autres termes, une telle variable influence beaucoup d’autres variables. Une action pour modifier le phénomène mesuré par cette variable aura probablement des larges répercussions sur tout le système ;
  • Variables sensibles : mises en évidence à travers un nombre élevé de relations reçues (somme des lignes de la matrice) (par exemple Finances). Ces variables représentent les résultats les plus significatifs des actions entreprises.

La matrice de la Figure 4 peut également être représentée par le graphe causal suivant qui donne une vue plus explicite de la structure causale :

Figure 6 : Représentation graphique du modèle causal.

Le mécanisme de ce modèle causal peut être expliqué de la façon suivante : la densification (162) constitue l’une des causes premières du système. Elle contribue à réduire l’utilisation de la mobilité individuelle (143) et indirectement la part d’énergie pour la mobilité (153). Le niveau 2 est constitué de plusieurs boucles de rétroactions (L) entre différents critères : une diminution de la part de la mobilité individuelle favorise le développement d’espaces publics de qualité (172), à l’inverse de tels espaces vont encourager l’utilisation d’autres modes de transport ; des espaces de qualité (172) liées aussi à la part minime de la mobilité individuelle vont rendre plus attractif le quartier pour le développement d’activités (131), et à l’inverse un développement d’activités contribue au développement d’espaces mixtes et diversifiés ; le développement d’activités peut contribuer à réduire la part de la mobilité individuelle (si les travailleurs habitent le quartier). Ce mécanisme complexe va rendre plus attractif le quartier en termes de promotion économique et donc de finances (103). L’encouragement des contacts sociaux du quartier (122) (identité, usage, rencontres) contribue à l’amélioration du respect des lieux et la sécurité des biens (134). En revanche, comme discuté ci-dessus à propos des dynamiques contradictoires, une offre en activités et une présence de travailleurs non intégrés et impliqués dans le quartier peut, sous certaines conditions, entraver les contacts sociaux et donc la vie collective du quartier.

 

 


Ulysse : par allusion au récit mythologique d'Ulysse, nous faisons l'analogie entre l'Odyssée et la façon d'explorer et découvrir la complexité du monde réel.

Article scientifique de Desthieux G., Joerin F., Lebreton M. "Ulysse: a qualitative tool for eliciting mental models of complex systems. Methodological approach and application to regional development in Atlantic Canada", System dynamics review, sous presse, 2010.